Dans la peau d’un clown
Je dois vous avouer quelque chose… Je viens d’accepter mon premier rôle de clown et la photo que vous voyez au dessus en est la preuve. Rien de bien reluisant et surtout pas le début d’une vocation, je reste de l’autre côté de l’image.. Non juste une idée qui a germé lors des répétitions dans l’esprit tordu de Doriane alias Rita et Benoit alias Master, nos deux magiciens. Il fallait toute une série de personnages différents pour apparaître et disparaître de derrière le “drapeau magique”. Vous imaginez mon enthousiasme quand Benoit me dit ” ah ouais, un photographe ça peut être drôle et puis je te botte les fesses pour te virer du plateau ! ” …. ” euh, oui… très drôle !!!! ” Finalement, j’accepte en me disant que ça peut être l’occasion d’une belle photo avec tous les regards rivés sur moi… comme si j’étais un clown sur le plateau ! Sauf que jusque là, ça allait trop vite ou il faisait trop sombre pour pouvoir en tirer quelque chose… j’en étais juste pour mes frais d’un à deux coups de pieds par jour mais cette fois c’est différent : vous êtes un clown sur scène.
Après cette école où poussent des arbres à costumes et des papillons bleu ciel, nous avons atterri dans un village de pêcheurs touché par le tsunami de 2005. On n’y sent presque plus les stigmates de la vague mais celles de la misère engendrée ou aggravée oui… et une certaine tristesse qui flotte dans l’air malgré les rires des enfants. Ce fût l’occasion de jolis moments de complicité avant le spectacle.
Vincent
Le temps et l’intimité de Doriane.
Ici, le temps n’a pas la même valeur. 1 heure pour commander et enfin avoir un café et quelques toasts… 45 minutes, le temps prévu pour le spectacle qui dure finalement 1H 15… 30 minutes, le temps pour se rendre au prochain village Dalit ( intouchables )… 15 minutes, le temps d’installer un semblant de loge dans une salle de classe, une cuisine, une cabane… 5 minutes, le temps où l’on est seule par jour… 1 minute, le temps d’être émue par un regard, un sourire, un visage…
Ici, le mot intimité n’existe pas… où que l’on soit, on est jamais seule… même la nuit, les klaxons, les bruits de couloirs, ça brasse. Le tout est d’arriver à se recentrer, à digérer toutes ces images, ces sensations, ces émotions. Être seule au milieu de tout le monde… Être seule au milieu d’un groupe de 12 personnes prendra du temps. Ce soir, en rentrant du restaurant vietnamien ( et oui ! on voulait changer un peu…), Gabi est parti à pied, marcher… Vincent a mangé dans sa chambre… Nous, occidentaux, avons besoin d’une bulle, un espace. Ici, personne ne mange jamais seul. On est une famille, un village, une caste… on est plusieurs. Les familles dorment tous dans la même pièce… comment font-ils ? comment font les couples ? J’essaye de comprendre cette notion de l’individu face à son intime. Nous qui nous protégeons tant, face à l’autre, aux autres. Nous qui sommes tellement préoccupés par notre ego et notre bien-être…
Les journées s’enchaînent vite, deux spectacles par jour. Le temps de rester un peu avec les enfants, les villageois… des fois, le temps d’un repas… et c’est reparti. Et moi, je garde dans le coeur et dans les yeux, ces sourires éclatants, ces visages rayonnants.
” You come back ? You come back ? ” Yes, bien sûr… si on pouvait.
Doriane