Jour de fête ?
Cette journée a commencé par une image très forte… de celles qui ne vous lâchent pas de sitôt. Je marchais à la recherche d’un cyber-café quand je suis tombé sur cette famille de circassiens qui jouaient presque seuls leur numéro face à quelques passants mi-hagards mi-indifférents. Une petite fille de 8 ou 10 ans, perchée sur un fil, fait la funambule sous le regard autoritaire de son chef de père qui bât un rythme lancinant sur sa percussion. En dessous, sa mère tape sans conviction sur un plat métallique. Sur ses genoux, un enfant plus jeune essaye de dormir. On pourrait croire qu’il est mort…
J’ai été hanté par cette vision durant toute la journée. D’autant plus que je les ai recroisés par deux fois en milieu et en fin de journée… ce qui laisse facilement augurer de leur rythme de travail sous ce soleil accablant. Aujourd’hui, c’est la fête nationale, il y a plein de passants dans la rue, c’est bien sûr un bon jour pour faire la manche… Cette image résume selon moi ce pays à la fois fascinant de beauté et terrifiant de dureté. C’est aussi une sorte d’image d’Épinal du saltimbanque maudit, qui vit en marge au bon vouloir de celui qui daignera porter un intérêt à son art… C’est sans doute comme cela que le cirque a vu le jour… le cirque des origines… fascinant et terrifiant. Si elle tombait ? On préfère ne pas y penser…
Lorsque je rejoins ” mes clowns ” au Volontariat Community Center de Pondichéry, je constate que le “fan-club” s’est encore élargi ( surtout celui de Tintin qui a un énorme succès… ça doit être ses rouflaquettes ???). Il y a encore plus d’enfants - tranquillement assis ou totalement survoltés - en train de regarder le spectacle se construire. Ils assistent sans broncher à la même scène répétée quatre ou cinq fois et rigolent autant à chaque fois. Ils portent tous fièrement leurs nez rouges… trop mignons !
Aujourd’hui, le travail des comédiens est avant tout technique : il faut faire fonctionner les illusions, rythmer la course poursuite, caler les entrées et les sorties… Tintin finit la mise au point de son accroche d’acrobatie aérienne. Je pense que ça va scotcher les gamins ! Bref, ça roule pour tout le monde sauf pour Gabi qui voit passer un petit nuage noir au dessus de sa tête. Tout d’abord, ses doutes sur son collègue musicien semblent se confirmer et surtout son piano se met soudain à clignoter de toutes ses lumières et puis … plus rien ! Il va falloir aller le faire réparer ? Possible ou pas ? Alimentation ou câble grillé ? Ou les 2 ? On verra ça demain…
A l’heure où je finis d’écrire ces lignes, la rue de l’hôtel est quasiment vide, abandonnée aux chiens et aux vaches sacrées qui broutent leur 25ème sac en plastique de la journée. Je vais me coucher avec le sentiment qu’aujourd’hui, tout le monde n’était pas à la fête …
Vincent.
LA DÉCONVENUE DE GABI
” La découverte de l’Inde dans le minibus qui nous emmenait le 1er jour de Madras à Pondichéry dans la lumière du soleil levant m’a tout halluciné, tout rempli mes yeux d’images fortes et belles que je me demande s’il me reste de la place… C’était un cinéma permanent dans un travelling sans fin sur cette vie à la fois grouillante, suractive et paisible, un défilé de couleurs, de mouvements, d’animaux ( du chient errant aux boeufs exhibant avec frime leurs cornes peintes classieusement…).
Aujourd’hui, ce matin, on a continué avec Perumal, notre comédien-baron indien, la répétition du spectacle… récapitulant avec lui les scènes où il apparaît pour le libérer cet après-midi: il va à un mariage… Mais il faut que je vous parle d’un souci ou plutôt d’une déconvenue qui m’arrive. Comprenez : on m’avait dit : ” “on va travailler avec 2 artistes indiens, issus de la communauté dalit ( les intouchables ), 1 comédien et 1 musicien… Un percussionniste !!!!!!!!! Moi qui ai toujours vénéré les percussionnistes indiens que j’ai pu croiser ou entendre de Ravi Shankar, Shakti, John McLaughin à la musique populaire du Rajasthan, Gulabi Sapera…. je me faisais une joie ! Pour moi, ces musiciens étaient monté à un ultime degré de le science du rythme et du swing, au pinacle, au summum de l’alliance de l’intelligence au service de l’énergie animale…. bref, des gardiens du temple d’un niveau parmi les plus élevés de la civilisation ! Vous imaginez bien que je me faisais un fête de peut-être capter quelque miettes de leur haute science qui m’aurait éclairé dans le tunnel où je me fourvoie depuis si longtemps…!
HÉLAAAAAAAAAAAAAAAAS !!!!!! Force fût de constater que nous étions tombés sur l’un des indiens les plus ARYTHMIQUES de tout le continent !!!!!!!! Je me disais : choc des cultures… incompréhension de mes rythmes… tension… manque d’ouverture de ma part… mais tout a confirmé mon intuition première : même sur ses propres rythmes, en dansant, en frappant des mains… Les autres indiens arrivaient à sentir et marquer le temps…. Mais bon, contre mauvaise fortune, bon coeur…. nous ferons équipe ensemble au service du spectacle …. ”
Gabi.